« Green Zone » de Rajiv Chandrasekaran

Titre VO : « Imperial life in the Emerald City« / Ancien titre : « Dans la Zone Verte, Les Américains à Badgad ». Modification justifié par le titre du film de Paul Greengrass.

Ce livre a été lu dans le cadre d’un partenariat entre
et
Merci à eux !



4ème de couverture :
Envoyé spécial à Bagdad, Rajiv Chandrasekaran a enquêté dans la Zone verte, cette « petite Amérique », créée pour accueillir les spécialistes chargés de faire de l’Irak un modèle de démocratie. Au cœur d’un pays dévasté par les bombardements et en proie à l’anarchie, l’auteur restitue le quotidien de ces Américains missionnés au nom de la liberté, pour mettre en place des projets impossibles.


« Ce que nous disons aux enfants irakiens, c’est que le bruit de ces hélicoptères est le son de la liberté. »

Mon humble avis :
Pour commencer, Green Zone n’est pas un roman d’action ou d’espionnage, au contraire du film de Paul Greengrass avec Matt Damon. Green Zone est un témoignage non-fictif, 100% réel, d’un journaliste américain d’origine indienne du Washington Post, habitué des reportages autour du monde. Chandrasekaran était déjà immergé dans la culture irakienne avant la « Guerre d’Irak » (mars-avril-mai 2003) et l’occupation américaine (2003-2004).
Il a ainsi récolté des centaines de témoignages grâce à l’aide de ses contacts américains et irakiens. Une fois de retour aux Etats-Unis, il a commencé à écrire ce livre, en essayant d’ordonner chronologiquement et/ou par thème ces chapitres. Il a fait un énorme travail de recherches pour compléter sa propre expérience. Il s’est notamment servi de divers témoignages publiés dans des journaux ou des romans, de mails envoyés d’Irak vers les familles américaines, etc. Il a aussi été revoir d’anciens occupants américains rentrés en Irak pour leur demander ce qu’il pensait de leur travail un an après après les évènements. Certaines sources ne sont pas citées pour leur sécurité car elles critiquent leur propre parti, les républicains et l’administration de Bush.

Carte de l’Irak, le reportage se situe à Bagdad

Les républicains et l’administration au pouvoir en 2003-2004 sont les « héros » malheureux de ce témoignage. Ce livre est presque le penchant livresque d’un documentaire de Michael Moore (Fahrenreith 9/11, Bowling for Columbine), la mise en scène tape à l’œil / comique en moins. Chandrasekaran montre l’incompétence totale, la débilité je dirais même, de l’administration Bush à mettre en place l’Occupation américaine. Le point de vue est réaliste et, je l’espère, suffisamment objectif. L’auteur aborde un peu bien sûr ces fameuses « armes de destruction massive » très connues en France car Chirac et le gouvernement français n’y ont jamais cru et ont toujours refusés de s’allier à cette guerre. (Cette partie là semble plus développé dans le film, d’après ce que j’ai pu en lire).
Mais le plus gros du sujet est bien sûr la « Zone Verte » (« the Green Zone »), un espace de quelques hectares où les Américains se sont installés après la prise de Bagdad. Elle se situe au milieu de Bagdad et est extrêmement protégé (entouré d’un mur anti-déflagrations de 6m) . Leur résidence principale est même l’ancien palais de Saddam Hussein.
Alors que les irakiens n’ont quasiment pas d’électricité (9h par jour max) et d’eau courante, cette zone en a 24h/24. Alors que le trafic irakien est devenu anarchique, dans la zone, on respecte les feux de signalisation et les cédez-le-passage. Alors que la ville est devenue un espace de non-droit (les policiers ont quitté leur poste), la Zone Verte est protégée par des militaires, on peut y faire son jogging le matin, partir au boulot à 8h puis aller à la cantine (où on peut manger des hamburgers avec des frites). La Zone Verte est une bulle américaine au milieu de la capitale irakienne.
Une bulle où quelques centaines d’hommes à la moyenne d’âge très (trop) jeune essayent d’administrer un pays qu’ils ne connaissent presque pas. L’auteur donne l’exemple d’un homme qui doit diriger un ministère en n’y connaissait rien au sujet, n’y aux installations/personnes en place. Il est obligé d’aller sur Google pour se renseigner ! Des millions de papiers administratifs ont disparu, l’invasion américaine a permis le pillage de nombreux ministères, de nombreux centres de polices, de nombreuses usines. L’Irak a besoin de sécurité ! Mais les américains ne le comprendront jamais, ils essayeront par dessus-tout d’appliquer la démocratie américaine à l’Irak. Ils vont par exemple perdre du temps à appliquer un nouveau code de la route alors qu’il n’y a plus de policier pour le faire respecter. Le livre regorge de centaines d’exemples.
Je peux vous en donner quelques-uns comme mise en bouche. Nous avons par exemple l’histoire de Jay Hallen, 24 ans, diplômé de Yale, qui s’ennuie dans l’immobilier. Il n’y connait rien en finance mais juste parce qu’il aime bien la culture arabe et qu’il connait quelqu’un qui connait quelqu’un à la CPA (Coalition Provisional Authority, l’organisation américaine occupante), il va être envoyé là-bas pour rédiger de nouvelles règles afin de relancer la BSE (Bagdad Stock Exchange), la Bourse de Bagdad ! Il aura de bonnes idées démocratiques à l’américaine comme l’installation d’ordinateurs ou le passage de 80 à 40 employés (car il n’y avait pas besoin d’autant de monde). Des mesures qui seront tout simplement ignorées car les Irakiens reprendront avec leur corbeille, leurs tableaux blancs, leurs 80 employés…
L’exemple le plus criant de la situation financière catastrophique de l’Irak est le mensonge de Saddam sur la monnaie. Avant la guerre d’Iran, 1 dinar valait 3 $ US, mais en 2003, le taux de change était passé à 2000 dinars = 1 $ US. Mais personne n’en savait rien, les entreprises touchaient pareil. L’argent du pétrole compensait comme dans un rêve l’argent perdu. Officiellement, les 48 entreprises d’Etat marchaient parfaitement. Réellement, seulement 13 pourraient s’avérer faire des bénéfices.
Comme vous l’aurez compris, « Green Zone » n’est sans doute pas destiné à n’importe quel public. Personnellement, je n’y connaissais pas grand chose de l’Irak, je ne m’étais jamais penché sur le sujet mais j’ai compris la quasi-totalité du livre. Je me suis juste créé une fiche car l’auteur cité énormément de personnes. Au début, je confondais même souvent les rôles de Donald Rumsfeld et Colin Powell. Mais qu’importe, pour ceux qui sont friands d’histoire contemporaine, je vous recommande ce livre. C’est mon coup de cœur du mois de mai.


Note globale : 9 / 10

Bonus : la bande annonce du film :

  10 commentaires

  1. Malou
    27 mai 2010 at 16 h 42 min

    En fait j'ai bien fait de pas prendre ce livre car je suis pas sure que ça m'aurait plu. Bien qu'il doit être très intéressant.

    Par contre je regarderais bien le film :)

  2. Emeralda
    27 mai 2010 at 16 h 51 min

    Je n'ai pas vu le film, ni lu le livre… Maintenant j'ai envie de découvrir les 2 supports de l'oeuvre…

  3. Lexounet
    27 mai 2010 at 16 h 57 min

    Je n'ai pas du tout partagé ton enthousiasme et je ne trouve pas qu'il met beaucoup en avant l'incompétence des américains, au contraire, il reste assez neutre. j'ai appris quelques trucs mais j'ai souvent décroché. Ravi que cela t'ait plu^^

  4. Frankie
    27 mai 2010 at 16 h 58 min

    Je ne doute pas que ce soit très intéressant mais ce n'est pas ma tasse de thé ! Ni le film d'ailleurs !

  5. Anne Sophie
    27 mai 2010 at 17 h 02 min

    Je pense que ce n'est pas pour moi…

  6. karline05
    27 mai 2010 at 17 h 03 min

    Contente que cela t'a autant plu
    mon avis était plus mitigé

  7. Gerry
    27 mai 2010 at 17 h 22 min

    moi j'ai bien apprécié aussi cette lecture. J'étais totalement novice et je n'y connaissais strictement rien à la guerre en Irak. Je dois avouer qu'on en apprends des vertes et des pas mûres sur la façon dont a été géré l'après-guerre!

  8. baba
    27 mai 2010 at 19 h 31 min

    @mallou : pareil. Déjà que le duo Greengrass-Damon m'a totalement conquis avec les volets 2 et 3 de Jason Bourne.

    @Emeralda : n'hésite pas ! :) Par contre, même si je ne peux pas l'assurer mais vu le pitch du film, ça n'a rien d'une adaptation du roman, ça doit juste reprendre le contexte et s'aider des anecdotes de Chandrasekaran mais c'est tout. 'fin le dvd sort en aout je crois, si jamais j'ai le tps, j'en reparlerais

    @Lexounet : lool, on aurait pu faire un book club car même si comme tu dis, le ton reste neutre, on sent que les américains font n'importe quoi, j'ai vraiment eu l'impression que c'était des stagiaires qui géraient l'irak.

    J'ai essayé de vérifier si l'auteur n'était pas démocrate mais j'ai pas trouvé :/

    @Frankie @Anne Sophie : je ne vous forcerai pas :) Au moins, je vous aurais renseigné sur la tenue du bouquin et je respecte votre choix, "on ne peut pas plaire à tout le monde" comme dirait Fogiel.

    @karline05 : je viens en effet de le lire, bel article même si notre note est différente.

    @Gerry : lu aussi, nos points de vues sont en effet très proches :) c'est clair qu'entre chiite, sunnite et cie, c'est pas tjs facile ^^

  9. flof13
    27 mai 2010 at 22 h 19 min

    j'ai lu l'avis de lexounet, et du coup, je me pose des questions… mais comme j'ai dit à lexounet, je suis une fan d'actualité, de documentaires, d'histoire… alors je suis tout de même tentée ! à voir !

  10. Pauline
    29 mai 2010 at 21 h 24 min

    J'ai adoré le film! :)

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